Kouo Vu, la grotte qui avalait les gens (2ème partie)
Après ma première visite dans la grotte Kouo Vu, à Baleng, il me fallait revenir. J’organise donc rapidement une seconde descente, afin de percer le mystère de cette grotte dans laquelle auraient disparu deux personnes, il y a quelques années.
Je suis accompagné des deux mêmes étudiantes, Allison et Josiane, ainsi que d’un notable dont un de ses enfants est celui qui a disparu dans la grotte.
Entre temps, on m’a retranscrit deux articles de journaux :
Deux hommes disparaissent dans une grotte
La nouvelle a vite fait le tour de Sacta, près de Foumbot. Envolés dans une grotte ! C’est ce qui serait arrivé à un jeune homme et son marabout. Entrés hier matin dans le trou pour « laver la malchance », le client, un jeune homme âgé de 27 ans et qui s’appellerait Vieux Fouop et le guérisseur Michel Fokoneng bien connu des habitants du village, réunis sur le lieu du drame pour une prière d’intercession à l’endroit des ancêtres ont échoué dans leur médiation. La négociation n’ayant pas aboutit à faire réapparaître les disparus. Néanmoins rendez-vous aurait été pris pour jeudi prochain pour voir si les ancêtres seraient revenus à de meilleurs sentiments. En attendant, l’accès à la grotte, haut lieu de « purification » pour les habitants de la localité et même au-delà, a été interdit jusqu’à nouvel avis par les notables. Cet épisode pourra-t-il réfréner les ardeurs de ceux qui pensent que la malchance ne peut se laver autrement que par des rites magico-religieux ? rien n’est moins sûr. Affaire à suivre
Le Messager n°1919, mardi 12 juillet 2005
Selon les notables, les deux jeunes gens sont séquestrés dans la cavité souterraine par des esprits et leur libération est conditionnée par deux chèvres, deux sacs de sel, deux tasses d’huile de palme et de jujube à leur offrir en sacrifice. Le 10 juillet tout cet arsenal de denrées a été offert à ces esprits.
Hélas, les deux compères n’ont pas toujours respiré l’air pur du large.
Le Messager n°1920, mercredi 13 juillet 2005
Nous revoilà donc en train de descendre le chemin d’accès, lorsque des cris retentissent. Nous approchons doucement, pour constater qu’une voyante est en train de mener un rite de purification sur un patient. Elle est en pleine offrande, et nous la laissons donc opérer. Elle nous dit ensuite d’approcher, qu’on ne la dérange pas, et que l’on peut faire ce que l’on a à faire.
Elle jette d’énormes quantités d’huile rouge sur les murs, au sol. Elle dépose du jujube, du sel, en prononçant des incantations.
A côté de moi, le patient, un jeune homme de 30 ans, visiblement de confession musulmane, fait très attention à elle. A ses pieds, la poule et le lapin qui seront offerts aux esprits de la grotte.
Chez les Bamiléké, lorsque l’on sacrifie une poule ou un lapin, il s’agit juste de les libérer. Ces sont les dieux qui viendront se servir. Personne n’a le droit de tuer et de manger une poule qui se serait installée là à la suite d’un sacrifice (c’est seulement le coq et la chèvre que l’on égorge).
Ceci dit, à côté de la voyante, il y a un Fou, qui surveille de près tout ce qui se passe. Nous apprenons qu’il habite ici (dans la grotte) depuis très longtemps (il était là avant que la voyante ne s’installe).
Les deux étudiantes qui m’accompagnent commencent à poser leurs questions. Tout à coup, le Fou crie « 12 juillet 2005 ». Pas si fou que ca, le Fou, il se souvient de la date. C’est lui qui avait donné l’alerte lorsque les deux compliqués n’ont pas réapparu.
Je sens bien qu’avec cette cérémonie de purification, je ne pourrai pas effectuer la topographie de la cavité, ni prendre toutes les photos que je souhaiterais. Lorsque Allison demande quelles sont les conditions pour pénétrer dans la grotte, la vieille dit qu’elle peut nous accompagner.
« Déchaussez-vous et suivez-moi » dit-elle
Gloups.
Je me souviens de ma dernière tentative. A peine entré dans la grotte, j’avais senti une atmosphère saturée en gaz, aperçu des milliers de chauves-souris, un guano très épais, et plein de cafards, de fourmis, d’insectes qui grouillaient au sol.
La voyante prévient les esprits gardiens de la grotte que nous allons entrer, qu’ils doivent être cléments. Elle fait sortir un son gutural d’un instrument formé à partir d’un bout tuyau. Elle est devant nous, à l’intérieur, nous sommes encore dehors. Elle jette de l’huile, dépose de la kola sur les pierres sacrées, et nous prie de la suivre.
Gloups.
Le guano entre les doigts de pieds, c’est pas très agréable. J’essaie de ne pas voir les cafards. Lorsque je m’appuie sur la paroi, je préfère ne pas savoir ce qu’il y a. Nous entrons dans « la véranda », puis dans une petite pièce « vestibule » où s’ouvrent deux « portes » : l’une va à la chefferie, l’autre donne accès aux chambres. Il fait noir, nous n’avons pas de lampes, et elle nous dit qu’il est temps de faire demi-tour.
Nous ressortons, et elle nous demande de la laisser quelques instants, car maintenant, elle doit laver son patient. Elle devra donc le déshabiller, et le laver avec du vin de palme.
Nous reviendrons un peu plus tard pour prendre congé.