Plongée dans la pure tradition Bamiléké, avec cette histoire véridique, qui fit la une des journaux il y a trois ans. Je recherche actuellement dans les archives les articles originaux, mais je vous livre la version qui se raconte.
Un Kemsi, littéralement notable des dieux, c’est-à-dire sorcier, avait amené deux protagonistes d’un conflit régler leur différent dans cette grotte. L’histoire ne dit pas de quel différent il s’agissait. Après les sacrifices habituels et les paroles prononcées par le sorcier, les trois personnages entrent dans la grotte de Kouo Vu.
Il s’agit d’une méthode de résolution de conflit classique en pays Bamiléké. Le lieu sacré (ici une grotte, mais cela pourrait se faire près d’une chute d’eau, d’un arbre centenaire) décide de qui a raison, car on ne saurait mentir dans un lieu sacré.
Selon la tradition, seul celui qui dit la vérité pourra ressortir de la grotte avec le sorcier, alors que celui qui ment restera coincé et perdra la vie.
Mais ce jour-là, aucun des deux ne ressortira de cette grotte, et le sorcier sera accusé de grande sorcellerie.
Cette histoire, on me l’a racontée maintes fois, et lorsque l’on me propose de me conduire à cette grotte, je dis oui immédiatement.
Je vous passe les détails de ce début de journée, mais lorsque nous arrivons sur le site, je reste sans voix.
Le site est « chargé ». On peut sentir la puissance du lieu.
De partout, des traces d’offrandes. Les concrétions, les rochers, le sol, les parois, tout est maculé de sel, d’huile rouge, de poudres sacrées…
Les graines, les épices magiques, les noix de kola sont déversées de partout. Des cages à poulet, témoins de sacrifices, sont encore là.
Je n’ai encore jamais vu autant de traces.
A l’entrée de la grotte, 9 stalagmites. Neuf est un chiffre particulier chez les Bamilékés, symbole de l’assemblée des neuf sages qui conseillent le roi.
Je m’approche, et après avoir constaté que derrière la plateforme sacrificielle, la cavité continue et s’enfonce dans le noir, je demande au notable qui nous accompagne (un des neufs) si je peux entrer.
– Papa, tel que je suis, je n’ai rien dans le ventre. Est-ce que je peux entrer à l’intérieur ?
– C’est toi seul qui sait. Va. »
Il ne m’en faut pas plus pour sortir une lampe, et m’enfoncer. A l’intérieur, d’autres restes (colliers, vêtements), mais surtout, une atmosphère lourde, suffocante. Il y a des choses à l’intérieur, et je comprends pourquoi ce lieu est si puissant. Je ne reste pas longtemps dans les différentes chambres, mais il est des secondes qui durent des heures.
Je ressors en sueurs. L’expérience a été très forte, effrayante.
Dehors, ceux qui m’accompagnent n’ont pas bougé, et sont contents de me voir dehors. Ils me disent que je suis le seul blanc à avoir vu ça.
Je n’ai même pas envisagé de faire des photos de l’intérieur, ni la topographie, pour cette première expérience, mais je sens qu’il faudra que je revienne.