Les grottes des Hautes Terres de L’Ouest Cameroun
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La grotte Ndemvoh, à Fongo Ndeng

lundi 18 mai 2009

Première vrai découverte. Un nouvelle grotte Ndemvoh !

Lisez le compte-rendu (très) détaillé de cette journée sur le lien ci-dessous

La journée débute à 8h30, à la gare routière pour Fongo Ndeng. Je cherche une moto, et un chauffeur originaire de la chefferie, et qui saura me conduire au bon endroit, me faire rencontrer les bonnes personnes. C’est toujours un gain de temps appréciable. Après une rapide discussion, je trouve Léopold, qui vient de ce village, et qui exige malheureusement un prix très élevé. Après une courte négociation, je préfère ne pas m’embrouiller, et partir.
La moto, neuve, fille rapidement sur la piste en terre. Il n’a pas plu depuis deux jours, et la poussière commence à apparaître. On discute à vive allure, nous apprenons à nous connaître. J’apprends bien entendu qu’il ne vient pas de Fongo Ndeng, mais de Fondonera, ce qui n’a rien à voir. Mais bon, on est déjà parti.

Le paysage est très beau, car la route serpente entre les collines en demi-oranges parfaites, recouvertes d’une prairie verte du plus bel effet, et parsemée d’énormes blocs de granites sphériques. Nous arrivons vers 9h à la chefferie Fongo Ndeng, et nous allons directement au palais royal, pour solliciter une entrevue avec le roi. La cour d’entrée est déserte. Nous entrons dans l’arrière cour où se trouve les maisons des les femmes, mais c’est vide. Finalement, nous voyons un jeune garçon en train de piler le manioc, et Leopold lui demande si le chef est là. Une femme sortant d’on ne sait où part vérifier, puis reviens pour nous dire que le chef n’est pas encore près, mais qu’il nous recevra très prochainement.

Nous repasserons, et partons faire un tour, prospecter. La moto s’engage sur des pistes très raides, et rapidement, à plus de 1800m d’altitude, le froid se faire légèrement sentir. Chaque virage nous fait découvrir un nouveau paysage, et surtout des maisons à perte de vue. Mais peu, très peu de rochers, ni d’accidents qui pourraient me faire penser à des grottes. Retour à la chefferie.

Le chef est là, sur un fauteuil roulant. La cinquantaine, de grosses lunettes, et des habits très simples, je lui expose l’objet de ma visite. Je m’embrouille un peu, me rends compte que je ne me suis pas encombré de tous le protocole de rigueur, mais le chef ne relève pas et nous invite à nous asseoir. Nous échangeons des formules de politesse, et la reine mère arrive, superbe.
Environ 55 ans, mince, le visage noir café, elle est simplement habillée d’un pagne jaune safran vif, que reprend sa coiffe. Quelques colliers fait de perles à chevrons bamiléké, des bracelets de poignets et de chevilles, et, comble de la beauté pour une femme marchant pieds nus toute la journée, du vernis à ongle sur les orteils.

Revenant sur le sujet, le chef ne semble pas savoir s’il y a des grottes dans sa chefferie. Il est parti deux ans en Europe se faire soigner, et les informations qui m’étaient parvenues concernant la présence de grottes avaient du être écrite par le Nkuété, son premier conseiller.

Mais la reine-mère lui rappelle qu’à Ngui, il y a des grottes. S’ensuit de longues palabres en patois, qui sont toujours très frustrantes. Bref, le roi nous donne sa bénédiction, et nous demande d’aller voir la gardienne des lieux, qui devra nous accompagner. Entre temps arrive la plus jeune femme du chef, un visage d’ange rayonnant, qui prend part à la conversation et décide de nous accompagner la journée.

Nous voici donc en train de prendre une seconde moto, et nous rendre au domicile de Maffo-mvoh, littéralement la Reine-Mère de la Grotte. La femme du chef entre chez elle, et 15 minutes plus tard, la veille femme sort, en habit de cérémonie. Cela m’étonne toujours comment, en arrivant sans prévenir chez quelqu’un, il se disponibilise pour m’accompagner toute la journée.

Revenons sur la vieille reine-mère, qui marche cassée en deux par un demi-siècle de travail au champ, à sarcler, à planter le maïs, la pomme de terre, le manioc, toute l’année durant. Elle aussi est couverte de bracelets (en cuivre aux poignets, en perle de rocaille aux chevilles), mais sa tenue est plus simple. Son age doit osciller autour de 60 ans, et elle porte un simple pagne, et une coiffe de cérémonie ressemblant à un bonnet agrémenté de cauris. En bandoulière, le sac. Le sac de raphia, qui contient parfois les secrets de la personne qui le porte. A celui-ci est cousu une clochette. Enfin, elle tient un long baton, qui en plus d’être utile est un symbole bamiléké traditionnel.
Malgré la posture, les reins complètement cassés, elle saute prestement sur la moto, pour faire le dernier kilomètre.
Commence alors la marche d’approche. Prenant la tête, elle ramasse quelques gousses de noix de kola tombées par terre. C’est la pleine saison, et le commerce bat son plein. Nous avons vus d’énormes sacs de 100kg de noix de kola sur la route, qui attendaient que le commerçant de la ville viennent les acheter. Elle coupe en passant quelques troncs de l’arbre de la paix pour le rite.
Remontant le long de la vallée, je reconnais les lieux. J’étais déjà venu ici repérer les chutes d’eau en contrebas, mais je n’avais jamais eu vent qu’il y avait une grotte juste au-dessus. Après avoir traversé les champs de bananiers, maïs, arachide et pommes de terre, nous entrons dans la forêt humide. Les arbres sont immenses, et le sous-bois résonne des cris de singes, des glougloutement des grenouilles (oui, ici, les grenouilles glougloutent !), des cris des oiseaux. La vieille a commencé à agiter sa clochette, et le tintement nous suit tant que nous sommes dans cette forêt. Il s’agit en fait de réveiller les divinités, pour ne pas qu’elles se sentent surprises par notre intrusion, et ne se vengent malignement. Peu après, nous arrivons près du petit ruisseau. Et je vois une jolie petite grotte, mignonne à tout point de vue. Ce n’est certes qu’un rapprochement de deux rochers qui forment une petite cavité, mais le ruisseau sort de cette petite salle obscure, et des objets rituels sont disposés à l’entrée.
Nous ne nous attardons pas, pour aller voir l’autre grotte, au-dessus. Enjambant une liane, des racines, piqué par des ronces, glissant sur le tapis de feuilles décomposées, j’ai bien du mal à essayer de prendre des photos en même temps. Quelques minutes après, nous sommes devant la grande grotte. C’est un porche par-dessus lequel s’écoule en cascade le petit ruisseau. Tout est recouvert de mousse : l’air est frais, humide, et les grands arbres fournissent une ombre permanente.

Après avoir gravi un petit dénivelé, nous sommes sous l’abri de la grotte. Des rochers, probablement tombés du plafond, servent de siège, et la vieille ne nous attend pas pour commencer à officier.

La vieille femme sur le site de prière

Elle jette huile, noix de kola, arbre de paix par terre, tout en psalmodiant des paroles incompréhensibles. Je regarde, accompagné de 4 camerounais qui sont pris par la magie de la grotte. Derrière le lieu de prière, la grotte montre un espace noir, où la lumière ne pénètre pas. On entend des bruits qui viennent du noir. Elle se retourne, continue son office en partant puiser avec un seau dans un bassin naturel de l’eau croupie qui goutte depuis le plafond. C’est l’eau bénite de la grotte, eau qui soigne beaucoup de maladies, et purifie celui qui en boit. Bien sûr, lorsqu’il s’agit de boire à mon tour cette eau donnée par la vieille, je ne fais pas la fine bouche, et essaie de ne pas regarder tous les éléments, végétaux ou animaux, qui flottent.

Après une petite séance de questions/réponses, au cours de laquelle j’apprend qu’elle est voyante, et que le dieu de la grotte lui parlé en rêve, je demande s’il est possible de s’enfoncer dans la partie noire de la grotte. Après des petites négociations, elle me précise qu’elle doit passer devant. Je la suis, mais la grotte n’est pas très profonde. Quelques chauves-souris volètent, le sol est recouvert de vieux guano. Je ressors, fais quelques photos, puis nous retournons à la grotte du bas.

Là, Maffo entre dans la chambre noire, ou coule une petite cascade. Devant, des restes d’offrandes sont visibles sur le rocher. Je m’approche pour voir l’intérieur de la cavité, mais elle se retourne brusquement. Pour mieux voir, j’avais écarté de fines racines aériennes qui tombaient du plafond de la grotte. Mais ce sont en fait des cheveux sacrés, et il faut faire attention à ne pas les casser. Elle murmure quelques invocations, puis récolte l’eau dans un bidon, pour ramener à la maison et distribuer.

La forêt sacrée entourant la grotte

Le site est très beau, au cœur d’une petite forêt qui donne une ombre bienveillante et qui sert de refuge aux animaux (et la fraîcheur attire aussi les moustiques, qui ne m’épargneront pas) . On voit d’ailleurs des singes se sauver et sauter de branche en branche, quelques beaux oiseaux que la pénombre ne me permet pas d’identifier. La vieille se presse tout à coup. Elle nous dit qu’il ne faut pas visiter le lieu à midi, et qu’il faut donc partir.
Nous ressortons de la forêt par le chemin bordé d’arbres de paix, et alors que nous nous apprêtons à nous séparer, je lui donne un dédommagement. Cela faisait plusieurs fois en effet qu’elle laissait entendre qu’il fallait la remercier de sa peine, qu’elle avait dû abandonner ses affaires pour venir avec nous, que le déplacement est difficile.
Et là, alors que je lui tends 1000FCFA (somme habituelle), elle regarde les pièces, et commence à se lamenter en patois. Je sens que j’ai fait une boulette. Elle se lamente, jette les pièces par terre, et argumente sans fin. Finalement, Léopold me dit que ce n’est vraiment pas assez, qu’une grande dame comme ça mérite plus, etc… Je rajoute 1000F, et elle semble satisfaite. Je la regarde partir, courbée, cassée, rentrer chez elle.

Le soleil tape fort, et Léopold commence à s’impatienter. Je ne vois pas comment trouver d’autres grottes dans le coin sans de nouvelles sources d’informations, et je préfère rentrer à Dschang. En cours de route, alors que nous passons au loin d’une jolie colline recouverte de boules granitiques, je pars me détendre les jambes en grimpant au sommet, puis traversant au retour un marigot et une portion de forêt. Puis nous reprenons la route jusqu’à Dschang.

Très bonne journée, avec une découverte intéressante.

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